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Légendes urbaines et mythes surnaturels

Légendes urbaines, surnaturel, endroits hantés , mythes du monde entier à faire froid dans le dos

La rumeur d'Orléans

Publié le 22 Septembre 2014 par joedalton in Légendes

Cabine d'essayage
Cabine d'essayage

Entre mai et juin 1969, les boutiquiers juifs, officiant dans le centre-ville, sont suspectés d’être à l’origine de la disparition de jeunes femmes fréquentant leurs commerces. Retour.

Nous sommes entre le 20 et le 23 mai 1969, quand débute alors l'un des pires épisodes que la ville d'Orléans a pu connaître. Sordide même. Au milieu des artères commerçantes, un esprit sombre doit commencer à parler. À raconter, à affabuler, le coeur rempli de haine… Loin de se douter que, même au siècle qui suivra, personne n'aura oublié sa création pure, à l'origine de l'infâme rumeur d'Orléans… Et ses jeunes femmes qui disparaissent, prétendument chloroformées, dans les cabines d'essayage de magasins de la rue de Bourgogne.

Entre le 29 et le 30 mai, la rumeur enfle, et s'affine. Les boutiques en question sont la propriété de commerçants juifs. Dans les foyers orléanais, et jusque dans les salles de classes…, les jeunes femmes sont mises en garde. Peur sur la ville, qui serait au centre d'un trafic de traite des blanches.

Huguette, une cafetière qui travaille, aujourd'hui encore dans le quartier de tous les fantasmes, se souvient. « Il y avait ces Orléanais qui s'amassaient le long des boutiques tenues par ces gens que je connaissais très bien… Et qui étaient irréprochables, Monsieur ! »

Délire collectif, foule insultante et menaçante, à l'endroit de marchands israélites pris au piège derrière leurs vitrines. Au point que la police devra intervenir, prévenant de potentiels molestages.

C'était le samedi 31 mai, « et c'était haineux », racontait (dans nos colonnes, en 2009) Éliane Klein, enseignante et fille de commerçants juifs en 1969, devenue, depuis, déléguée régionale du Crif. Elle contribuera à allumer des contre-feux en adressant des courriers aux journaux de France (sauf à ceux d'extrême droite). « Il fallait faire éclater les choses. D'autant qu'elles s'envenimaient, et que certains affirmaient que si ces magasins n'avaient pas été fermés, c'était parce que les commerçants avaient acheté la police et la presse avec de l'or. » D'après les témoignages recueillis auprès de témoins de l'époque, la première boutique de prêt-à-porter touchée devait se trouver à l'angle des rues Thiers et de Bourgogne. La physionomie de la ville ayant tellement changé depuis, il est impossible de dire, avec précision, de laquelle il s'agissait.


Les gros titres

Il n'en demeure pas moins que le 2 juin, La Rep' dénonçait alors une campagne de diffamation, quand les organisations antiracistes et contre l'antisémitisme prenaient les choses en main.

Entre le 7 et le 10 du même mois, la presse nationale s'empare de l'affaire. Orléans fait les gros titres pour de mauvaises raisons. Car, évidemment, la police n'a été alertée d'aucune disparition suspecte. Fait, par ailleurs, souligné dans la presse, depuis le début.

« Mais cela n'a pas suffi à tuer la rumeur, les gens imaginaient qu'on leur cachait la réalité pour ne pas les alarmer », expliquera, plus tard, le sociologue Edgar Morin, dans son ouvrage (« La Rumeur d'Orléans ») qui tente d'expliquer la mécanique du phénomène.

Et la pure folie qui souffle sur la petite ville de province, d'ordinaire si calme. Car les femmes ne font pas que « s'évaporer dans la nature », prétend la légende urbaine, jusqu'au-boutiste. Elles seraient exfiltrées des boutiques, avant d'être embarquées à bord d'un sous-marin – tant qu'à faire ! – mouillant dans une Loire dont le niveau d'eau ne doit pas excéder un mètre. Direction d'obscurs pays exotiques, pour y être prostituées donc.

Insensé ! Mais combien y ont cru ? Personne quelque part… Car si vous cherchez, plus de 40 ans après les faits, ceux qui, à l'époque, étaient de ces foules vindicatives, vous peinerez à en trouver. « L'enfer, c'est les autres », a pu écrire, justement, Jean-Paul Sartre. Et ont pu penser les boutiquiers, alors injustement pris pour cible. Dont il en reste au moins un, officiant toujours dans le quartier. Mémoire vivante qui refusera de revenir sur le triste épisode. Sans pour autant parler d'oubli. « Je n'ai plus rien à dire sur cette histoire », seront les derniers mots du vieil homme paisible.

À lire. Le sociologue Edgar Morin a signé, en 1969, l'ouvrage « La Rumeur d'Orléans », aux éditions du Seuil.

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