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Légendes urbaines et mythes surnaturels

Légendes urbaines, surnaturel, endroits hantés , mythes du monde entier à faire froid dans le dos

Démons femmes japonaises

Publié le 5 Février 2015 par joedalton

Démons femmes japonaises

Le Démon féminin. Figure de la femme fantôme dans la J Horror


Popularisée dans le monde occidental par les remakes américains “The Ring” ou de “The Grudge”, la J-Horror (l’horreur japonaise) a des racines plus anciennes s’enfonçant profondément dans la culture de l’archipel. Dans ce monde étrange et morbide, voguent les fantômes féminins, incarnation démoniaques de la vengeance ou du dépit amoureux. Le démon est sexué féminin, quelques explications.


Sadako, fantôme féminin japonais, est désormais incorporée dans la liste noire de nos terreurs nocturnes. Le cocon magique de la salle s’est transformé à proprement parler en salle obscure. Sadako est l’invitée indésirable, que l’on a ramenée hors des salles de cinéma chez soi. Son œil omniprésent et maléfique nous scrute à travers l’écran de télévision et s’infiltre dans le reflet lisse et troublant du miroir. La sonnerie téléphonique se transforme en voix spectrale, écho d’un au-delà et soupir d’outre tombe. Elle est issue d’un monde inversé ou les cheveux tombent sur le visage, l’œil est retourné et le négatif prend place au positif. “Sadako” s’affirme comme un synonyme de l’horreur. Fantôme nippon à la beauté blafarde, elle est venue hantée le monde occidental en popularisant le stéréotype du fantôme japonais avec Ring de Hideo Nakata en 1998. Figure souffrante, dotée d’une cruauté sans limites, elle suit une lignée de femmes fantômes. Image de la femme délaissée, assassinée dont le désir de vengeance devient incontrôlable auprès des êtres vivants. Certes la J-horror reconstruit, sculpte et modèle les fantômes féminins incorporant dans le lot des petites filles terrifiantes et séduisantes à la fois. Le cinéma d’horreur japonais est revenu avec succès au kaidan eiga , films de fantômes. La prolifération de figures féminines démoniaques et de « héroïnes » dans ces films d’horreur a été la motivation de la présente étude. L’analyse esthétique des figures et la quête d’explications d’ordre culturel et de genre seront à l’ordre du jour. Nous avons privilégié dans le corpus un nombre réduit de films: Ring , ring 2 et Dark Water de Hideo Nakata, les deux volets de Ju-on: The grudge de Takashi Shimitzu. Nous essayerons d’observer de quelle façon la figure féminine du spectre incarne certaines angoisses du Japon moderne, dont le vacillement identitaire et la confusion des genres reflètent l’angoisse d’une “nouvelle” féminité terrifiante.


Un bref aperçu historique nous semble nécessaire à la compréhension du démon et du spectre féminin étroitement lié à la culture nippone et ses récits mythiques. Dans la tradition japonaise, les fantômes sont nommés généralement “yurei” (“revenant” ou “esprit (rie) de la “nuit” (yû)). Pourtant il existe des catégories dont une retient notre attention: “les onryo”. La plupart de ces fantômes sont de sexes féminins menés par la vengeance. Souvent violentées, trompées et assassinées par des hommes, ses femmes inversent leur rôle de femmes soumises pour chercher justice après la mort et assumer un rôle dominant. Dans les films de la J horreur, le stéréotype du fantôme est devenu celui du onryo (Sadako dans Ring , Mitsuko dans Dark Water, Kayako dans Ju-On) . La femme fantôme englobe certains stéréotypes de la « féminité», elle dévoile la colère féminine sous la domination masculine. Elle semble dans un prime abord figure d’un acte de résistance dans l’au-delà.


La J horreur suit une tradition du fantomatique féminin et puise aussi ses sources d’inspirations dans la littérature et le folklore afin de façonner ces nouveaux démons. Le théâtre kabuki et Nô sont une influence majeure. Les représentations de fantômes féminins excèdent les portraits spectraux masculins. La présence de masque dans le théâtre, ainsi que de mouvements codifiés inscrivent les personnages dans un autre espace temps. Le fantôme s’imprègne aussi de la danse Buto avec ses mouvements saccadés, arrêtés ou le cadavre reprend vie. Nous avons relevé quelques exemples de femmes fantômes légendaires qui ont donné vie et on aidée a façonné la figure des spectres féminins modernes dans les films. Yuki Onna ,”la femme des neiges”, est un fantôme qui se caractérise par sa beauté , ses long cheveux noir et sa peau blanche voire transparente. Elle porte un kimono blanc (symbole de pureté et réservé au défunts). Le kimono accompagné de cette esthétique propre et dépuré du fantôme nous la retrouverons chez Sadako.


L’histoire du fantôme d’Oiwa est une des plus connue: Tokaido Yotsuy kaidan. Cette femme a été traitreusement défigurée et tuée par son mari Iemon, un samouraï déchu poussé par le désir de retrouver son rang. Il trouve l’opportunité de se marier avec une femme de haute société O-Ume et décide de se débarrasser de la belle O-iwa. Le spectre revient se venger rendant fou Iemon qui fini par tuer sa nouvelle femme. Giard consacre tout un chapitre sur O-Iwa ” les cheveux de la colère”[1]. Le mot colère (dô) est formés de trois idéogrammes: la femme, le cœur et le radical mata qui signifie “de plus” “encore”. Autrement dit la colère est associé aux cheveux. Pour désigner la rage les japonais disent dô hasté, les cheveux de la colère. Parmi les histoires de “femmes de la colère” celle d’O-iwa est un classique. Les versions diffèrent mais le résultat en est toujours le même. Dans la version de Giard, O-Ume la femme riche convoité par Iemon fait parvenir un médicament à O-Iwa. Il s’agit d’une sorte de poisson qui défigure et modèle les faciès. O-iwa s’évanouie de douleur. Elle aura à la place d’un visage un masque mortuaire, un visage de cadavre vivant. Iemon demandera à un ami de séduire ou violer sa femme afin de pouvoir se libérer de cette figure devenue hideuse. Lorsqu’elle observe son visage sur le miroir O-Iwa semble plus préoccupée par l’état de ses cheveux non coiffés. Pendant qu’O-Iwa peigne ses longs cheveux noirs mélancoliquement, des mèches entières de cheveux se décrochent. Pour Mesnildot il s’agit d’une scène de répertoire dont l’équivalent occidental serait Lady Macbeth se lavant les mains pour tenter d’enlever ses taches de sang.[2] O-iwa s’ouvre accidentellement la gorge et maudit Iemon. Les cheveux qui lui reste, ses “cheveux de la colère”, se transforment en longues tignasses qui se répandent en désordre. La vision d’une chevelure en toile d’araignée envahissant la pièce nous la retrouvons dans Ju-on lorsque la longue tignasse de cheveux de Kayako sortant du plafond. Iemon finit par clouer le cadavre de son épouse et de son ami sur une porte dos à dos et fait passer le meurtre comme un crime amoureux. Le samouraï épouse O-Ume , mais le soir de noce, O-Iwa parasite le visage de sa nouvelle femme; Iemon horrifié par ce visage déformé la tue. Ainsi poursuivit par le spectre de O-Iwa, l’homme maudit tuera sa famille et sera persécuté jusqu’à la fin de ses jour. Agnès Giard affirme: “Il a fait pire que tromper une femme amoureuse. Il lui a fait perdre ses cheveux. (…) on ne touche pas les cheveux d’une femme, sans attenter à ce qu’il y a de plus sacré en elle, sa beauté sacré. Le cœur de son être”[3].


Dans Bancho Sarayashiki (l’histoire de okiko) nous puisons un autre personnage fantomatique qui a façonné la figure du fantôme féminin de la J horreur notamment le fantôme Sadako. Il s’agit d’ Okiku une servante au service du maître samouraï Tessan Aoyama. Accidentellement, elle cassera une assiette précieuse qu’elle payera avec sa vie. Son maître enrager l’assassinera et jettera son cadavre dans un puits. Okiku en sortira tous les soirs en sanglots pour hanter son assassin et le faire sombrer dans la folie.


Le dernier cas de figure est celui de Kuroneko qui raconte le malheur d’une femme et de sa belle fille qui se font dérobées, violées et assassinées par un samouraï. Elles reviennent en tant qu’esprits vengeurs transformés en chats- démons anéantir tous maîtres samouraïs qu’elles croisent à leur passage. Ces femmes deviennent actives après leurs mort, elles ‘affirment et semblent dans un premier abord atteindre une justice dans l’au-delà. Nous retrouvons nombreuses références visuelles et esthétiques dans la J horreur de cette fantasmagorie féminine.


Le démon féminin et ses fantômes sont étroitement liés à la philosophie confucéenne et au bouddhisme. Giard nous donne quelques pistes sur l’histoire des coutumes et de la femme au Japon. Au Vème siècle le bouddhisme interdit l’entrée aux femmes au paradis, il est exclusivement pour les hommes. Nyonin gosho ou la théorie des “5 obstacles de femmes”[4] expose les torts des femmes. Elles ne peuvent devenir Bouddha et n’ont aucune issue de rédemption ou de salvation du à leur “nature mauvaise et impure” et leur “goût sans frein de luxure.” Les femmes enceintes sont contraintes de prier pour que le sexe de leurs enfants soit ou deviennent masculin. Nombreuses cérémonies et rituels appelés henjo nanshi no-ho ont pour objectif de transformer les fœtus féminins en fœtus masculins. D’ailleurs un des premiers enseignements du Bouddha après son réveil sera: “les femmes sont des messagers de l’enfer(…). Elles peuvent prendre l’apparence de bodhisattva, mais, dans leurs cœur, elles sont comme des démon”[5]. Dans la culture japonaise comme dans la chinoise, l’idéogramme qui représente la femme (Onna), évoque une personne assise selon Agnès Giard, une personne immobile en position d’attente. Les femmes seront longtemps maintenues dans une position passive. Les contes folkloriques japonais “sont remplis d’étranges dictons qui assimilent la femme a un être aussi éloigné que l’être humain que peut être un serpent , un requin ou un mort. comme par exemple: “autrefois on disait que le femmes sont des monstres”.[6] Lorsqu’on calligraphie trois fois l’idéogramme “femme” (onna) Giard explique qu’il devient kan et synonyme de “bruyant”, “trompeur”, “mauvais” , “vicieux” et “pervers”. Il peut de même correspondre aux mots “vacarme”, “viol” et “adultère”. Dans certaines superstitions, la chevelure des femmes se transforme en serpents venimeux sous l’effet d’une jalousie trop longtemps réprimée.


Les films suivent une continuité dans la lignée patriarcale. A ce sujet l’article de Valerie Wee est fort intéressant et nous explique brièvement comment le film Ring peut être vu comme la continuité d’une tradition de fantômes féminins soutenue fortement par une idéologie confucéenne patriarcale[7]. Certes le confucianisme soutient des notions d’ordre personnel et de responsabilité sociale. Wee cite Yoko Sugohara sur le sujet “le système éthique confucéen préconise une société harmonieuse dans laquelle une structure hiérarchique est maintenue et présuppose la domination masculine sur les femmes et les enfants.”[8] La femme garantie le rôle de la bonne épouse et de la mère sage. L’homme a l’obligation d’assurer la protection et le bien-être de la femme. Dans cette dure hiérarchie, si l’homme, le roi, le père n’assume pas ses devoirs, il abuse de son titre et risque d’être gravement puni. La désobéissance et l’abandon des devoirs marquent le début du chaos social et du désordre. Il est légitime, dans de tels circonstances, de se soulever pour rapporter un équilibre et rétablir l’ordre. L’attitude “contestataire” des spectres féminins doit s’appréhender selon une logique confucéenne que nous expliquerons plus en détails par la suite.


Dans les films de la J horror nous trouvons en général deux personnages féminins opposés : l’héroïne et le spectre maléfique. Dans le cas de figure The Ring les personnages féminins principaux reposent sur deux extrêmes ange/maternel que représente Reiko l’héroïne du film et le Démon/destructeur qu’est Sadako le spectre. The Ring et Dark Water se focalisent sur des héroïnes mères protectrices qui essayent de sauver leurs enfants d’un esprit féminin maléfique incarné par Sadako ou la petite fille fantôme Mitsuko Kawaii à l’imperméable jaune. Les esprits maléfiques féminins portent en eux l’image de la femme assassinée par l’homme qui était sensé les protéger. Pour Valerie Wee cet élément est un facteur commun dans les histoires de fantômes. [9] I-Oiwa est tué par son mari, Okiku par le maître samurai, Sadako par son père, Kayako la mère de la famille dans Ju-on par son mari. C’est en réponse à la trahison des hommes qui les ont assassinés et tués qu’elles se métamorphosent en démons et fantômes destructeurs assoiffés de vengeance. La lutte after life des femmes est tolérée que si l’homme fautif manque à ses responsabilités c’est alors qu’une remise en cause du patriarcat est justifiée. Le basculement de la femme/victime et soumise en démon/actif sous entend que la seule vengeance, justice ou initiative de changement repose que dans l’au-delà.


Les personnages féminins dans les films sous-tendent la continuité d’une société patriarcale.


Shizuko , la mère de Sadako incarne la figure du Japon traditionnel. Pour Valerie Wee, elle se construit comme une figure idéalisé de la femme soumise et docile, une misume.[10] La misume assume ses devoirs et obligation dans le système patriarcal. Elle est médium et s’habille en costume traditionnel. Elle entre dans cette continuité de la tradition japonaise avec ses mythes et légendes. Dans la vidéo maudite elle se brosse les cheveux devant la glace faisant clairement référence à O-iwa. Elle tourne la tête et Sadako apparaît ses côtés. L’envers monstrueux de Sadako représente l’image de la Shojo. La shojo est un terme communément associé aux jeunes filles qui ne sont pas encore en accord avec la société, libre de responsabilité, nombrilistes. Autrement dit l’opposée de l’idéal japonais de ce que représente une femme adulte. Pour Valerie Wee, Sadako est une shojo poussé à un extrême monstrueux. “L’arrogance visible de Sadako, et son refus face aux structures et représentations patriarcales sont un indice sur une croissante anxiété et inquiétude dans le Japon contemporain face à la monté du shojo.” [11] Certes Sadako défendra sa mère qui se fait insulter et accuser de fraude par les journalistes contrairement à Shizuko qui acceptera résigné et avec patience les critiques et les injures. Pour Valerie Wee le retour en haine de Sadako est essentiellement du à la faute du père. Il est le responsable de l’humiliation publique de sa femme et du meurtre de sa fille Sadako. Nakata fait de son spectre à la fois une victime et un démon. Si le démon existe c’est par l’incapacité du mâle à assumée ses responsabilités sociales et devoirs. Wee ajoute que l’apport de Sadako dans cette tradition de femmes fantômes est justement la difficulté à la vaincre. Elle est comme un virus.


Wee et Thomas sont d’accord pour souligner que le Japon a subi des changements sociaux et culturels notamment dans la politique de genre. Dans le Japon contemporain, les rôles idéalisés et les comportements semblent de plus en plus indéfinis notamment par l’émergence de femmes qui rejettent leur rôle traditionnel, des comportements et identités propre à une culture patriarcale. “Une masculinité est en péril dans le Japon moderne plongé dans une crise identitaire. La J horror figure nombreuses anxiétés masculine. Sadako remonte de son puits pour brisé une première barrière celle de la mort pour ensuite sortir de l’écran télé s’inscrivant de la sorte dans le monde moderne. Elle est ce Japon traditionnel lié à la légende d’Okiku dans son puits qui vient s’inscrire dans l’ère numérique. La brume des légendes devient une brume électrique et magnétique. Mesnildot dira “de l’aquatique, Sadako tire sa naissance mythique, qui la rattache au vieilles légendes, et à partir du magnétique, elle s’inscrit dans un monde moderne”.


Les héroïnes des films semblent dans un premier abord des femmes indépendantes modernes. Reiko (Ring) et Yoshimi (Dark Water) sont des femmes actives, mères célibataires et divorcés. L’une est journaliste l’autre correctrice. Poussée par l’amour, elles font de leurs mieux pour protéger leur progéniture. Malheureusement à elle seules, leurs tentatives sont vaines. Reiko sort Sadako de son puits pour lui offrir un rituel funéraire persuadée de pouvoir apaiser le spectre, tentative vouée à l’échec. (D’ailleurs, il s’agit de Ryuji, l’ex mari, qui plonge d’abord dans le puits. A lui l’initiative). Si Reiko est sauvée c’est par pur hasard. C’est son ex mari qui mourra à sa place car elle lui aura fait une copie. Les hommes prennent alors un rôle dominant, actif et de sauveurs. Ryuju se transforme en yurei pour donner à Reiko le moyen d’apaiser le spectre et se défaire de la malédiction. Il est esprit bienveillant contrairement au féminin démoniaque. Ryuji revient de chez les morts non par vengeance mais comme victime mâle qui même dans le mort doit préserver et protéger sa famille. Bien que Reiko fasse des efforts elle ne sauvera pas son petit. L’enfant échappe à l’œil retourné de Sadako par le sacrifice du grand père qui visionnera une copie et prendra sa place.


Les rôles actifs dans les films reposent au final sur des hommes qui acceptent d’assumer leurs “rôle” de « pater familis ». Benjamin Thomas[13] souligne justement la difficulté des deux femmes, Reiko et Yoshimi a assumer leurs devoirs. Femmes dépassées par la vie active, elles manquent à leur rôle de mère. Les films explicite la nécessité d’un soutien venu d’un personnage masculins pour les aider.. Yoshimi prendra recourt à un gentil avocat qui s’apitoie de son sort et Reiko renouera ses liens avec son ex mari Ryuji. Pour Thomas les films de Nakata ne parvienne pas à “s’abandonner à une apologie sans borne de l’indépendance féminine.”[14] Reiko est en état de pure maternité enlaçant le cadavre de Sadako au fond du puits persuadée de pouvoir briser la malédiction de ce geste maternel. Yoshimi la mère dans Dark Water restera ad vitam emprisonné dans le rôle de mère se transformant en fantôme et prenant soin de la petite Mitsuko.


Pour Thomas il est clair que Dark Water , The Ring et The Grudge exposent des angoisses d’une disparition de la masculinité. Lorsque Reiko sort Sadako de son puits renouant le lien maternel, le spectre resurgit pour venir anéantir l’ex mari. La séquence du puits vient déjà exclure l’ex mari qui regarde du haut de puits une séquence intimement “féminine” dans un cocon humide ou l’homme n’est plus bienvenu. Nous pouvons avancer que les “coupable” de la mort de Ryuji sont deux figures féminines. L’une lui a montré la cassette et l’autre est venu accomplir la malédiction qui lui a été transmise. Ses deux femmes viennent par choix ou par pur hasard éradiquer la figure masculine. Yuji dans Ju -on, est un ancien policier, démuni d’autorité, divorcé et seul. Les hommes semblent être mis en position de victime. Même l’empathie que l’on peut ressentir pour Yoshimi la mère dont l’ex mari veut avoir la garde de la petite dans Dark Water a des limites. Le film donne des pistes et démontre qu’elle semble inapte a adopter son rôle de mère et qu’elle a subit des problèmes psychologique auparavant. Elle oublie la petite a l’école et déménage dans un immeuble insalubre. La figure du père vient finalement constamment au secours. La fin de Ju on II Kayako se réincarne dans une petite fille, cercle vicieux de la naissance de figure féminine terrifiante et surnaturelle qui met a mal les hommes.


Sadako est une personnification de la figure du mal. Elle est une entité complexe, à la fois femme, monstre , fille, hermaphrodite. Dans tous les cas elle est difficilement définissable. Nous apprenons au fils des trois films qu’elle est née d’une mère médium Shizuko. Son père est un inconnu dont la nature est probablement monstrueuse. Il serait une créature venu de la mer. Elle s’affirme comme le résultat d’une mixité monstrueuse. Comme il fut mentionner Sadako se comporte comme un extrême d’une shojo . Elle est pas docile, ni soumise de son vivant et ne se place pas en position de victime. Elle n’incarne pas les codes de comportement féminins comme sa mère Shizuko. Sadako rejette les codes et les normes sociales, les valeurs et la moral, ce qui la transforme en figure “déviante” et “audacieuse” qui sera nécessairement punie. Ce n’est pas que les torts du père mais son attitude de femme active et incontrôlable qui sera punie. Valeria Wee insiste sur cette rupture avec la continuité des histoires de femmes fantômes. Oiwa , Osuku sont des femmes soumisses et victimes qui deviennent actives après leur mort. Sadako de son coté était déjà une femme “déviante” de son vivant et donc hautement dangereuse.


Wee emphatise la culpabilité de Shizuko qui, bien qu’elle semble incarner ce Japon traditionnel et l’idéal de la misume, elle est fautive de cette mixité. Ce détail l’inscrit comme une complice de cette révolte et subversion des droits du père et donc par extension du système patriarcale. L’audace de Shizuko a été punie par la naissance d’un monstre aux pouvoirs surnaturels destructifs. Le côté hermaphrodite de Sadako devient source d’angoisse par ce brouillage entre le masculin et le féminin, par une incertitude identitaire qui exclut un statut, un rôle concret à l’homme et à la femme.


Sadako n’est pas qu’un monstre mais une créature qui porte en elle l’enfer. Elle imprime par sa pensée des images sur un support vidéo, véritables tableaux infernales ou elle dépeint des damnés se trainant douloureusement dans la lave d’un volcan. Dans l’imaginaire japonais, le spectre d’Hiroshima est imprimé dans ses images. Figures souffrantes sur une île volcanique, le mot “éruption” et “explosion” sont à mettre en rapport avec la fissure de l’atome. Certes Sadako est née le 6 août 1945, (date révélé dans Ring 0 de Hiroshi Takahashi) jour du largement de la bombe atomique sur Hiroshima. Spectre historique, elle figure une brèche temporelle, le champignon atomique qui a déclenché un enfer bien réel au japon. Mesnildot rappel ce lien entre le corps négatif et la dance butô.[15] Le butô est une danse née en 1960 fondée par Tutsumi Hijikata. Née dans l’après guerre, il marque une rupture avec la danse et le théâtre traditionnel du Nô et du Kabuki. Danse expérimental elle se désigne comme la « danse du corps obscure » ou « la danse des Ténèbres ». Un grand danseur et collaborateur de butô fut Kazuo Ono. Cette danse se caractérise par des mouvements lents, saccadés et minimalistes. Le corps est presque nu, le crâne rasé et peint en blanc. Mesnildot cite le fondateur Hijikata qui place le butô du coté du spectre : « le butô est un cadavre qui se relève dans une tentative désespérée de posséder la vie ».[16] Les mouvements de Sadako empruntent de cette danse souffrante.


Sadako est en plus une maladie qui vous achève en sept jours. Elle cherche des nouveaux hôtes et cherche à se multiplier. En effet, pour survivre la victime doit effectuer une copie de la vidéo maudite. La victime doit s’introduire dans ce circuit en devenant une entité contagieuse et transmettre la maladie à un autre. La “maladie Sadako” peut s’interpréter comme l’angoisse du féminin qui se figure ici comme un virus contagieux, incontrôlable et sans remède. Image d’une femme moderne devenu incontrôlable ? Dans tous les cas nous retrouvons cet aspect de reproduction et multiplicité dans Ju-On. Kayako se transforme en meute de chats pour poursuivre un écolier, ou encore ses figures se multiplient.


Stéphane du Mesnildot analyse la figure de Sadako comme “corps négatif”. Corps négatif qui peut être appliqué aussi bien à Mitsuko et à Kayako dans certains aspects et caractéristiques. Dans Ring le symbole du film est un cercle blanc de lumière sur une surface noir. Mesnildot a bien remarqué cette confusion autour de ce symbole.[17] Nous pouvons y voir une lune sur un ciel de nuit pourtant il s’agit du lieu ou Sadako à trouver la mort. Ce que l’on observe s’avère être un ciel entouré par les parois du puits. La masse et le volume lunaire flottant sur le vide sont en réalité l’opposé : du vide cimenté, étouffe par la matière solide. Tout le film sera construit sur ce mécanisme du contraire et du négatif. Si Sadako est née dans une île elle se meut dans un endroit contraire, dans un puits ou l’eau est entourée de terre. Nous relèverons les caractéristiques de Sadako si bien explicité par Mesnildot pour en relevé les éléments qui relève d’une féminité au négatif. La chevelure chez la femme est symbole de féminité. Dans la culture nippone les femmes portaient un soin extrême à leurs cheveux, à leur coupe et au tressage. Les cheveux détaché, salis, défaits sont une marque selon Mesnildot de damnation. Les cheveux rebelles deviennent évidents chez un fantôme. Ainsi Mitsuko, Kayako et Sadako errent avec leurs cheveux noir sur le visage. Nous pouvons rappeler que dans la vidéo maudite, nous observons le reflet de Shizuko (mère de Sadako) qui se coiffe dans un geste long les cheveux en costume traditionnel. L’image suivante est celle de son contraire : une femme sans visage. Les femmes fantômes exagèrent cette chevelure. Mesnildot souligne que l’horreur chez les femmes japonaises tiens de l’inversion de ce soin qu’elles portent aux cheveux. Sadako pourrait devenir cette figure du stéréotype féminin porté à l’horreur. Les cheveux longs et détachés étaient aussi une pratique funéraire à l’époque Edo donc exclusivement lié à la mort. Délaisser sa coiffure était interprété comme un signe de pauvreté et de mauvaise vie contrairement à une femme sage qui portait le chignon. Les cheveux deviennent alors à la fois un acte rébellion contre un ordre établit mais aussi un signe de soumission, de damnation et de mort. La femme fantôme à la chevelure noir est une caractéristique probablement originaire du théâtre kabuki, ainsi que les bras tendant et les mains qui pendent. Sur la femme fantôme Max Tessier souligne dans “images du cinéma japonais” : ” Elle apparaît toujours avec ses bras repliés, ne laissant voir que le dessus de ses mains retombantes. A cela on peut fournir une explication d’origine bouddhique, relevant du concept du yang et du yin (en japonais yo et yin) : le dessus de la main, in (yin) , est considéré comme négatif , alors que la paume, yo (yang) est positive.” Le “yo” est associé au soleil et au masculin ainsi qu'au positif. Le “in” représentant le négatif est la partie des mains montré par le spectre. Le “in” représente le sombre, le noir la lune et bien sûr le féminin… Sadako représente ce complémentaire maléfique ce corps au “négatif”. Elle est femme (fille). Sa naissance fut probablement dans l’eau. Sa mère s’est caché dans une grotte inondable sur une plage lorsqu'elle est venue au monde. Mitsuko la petite fille du réservoir, est figurée à travers les parois humides, elle trahit sa présence par les flaques d’eau et le moisi d’un immeuble insalubre lorsqu'elle n’est pas “visible”. D’autant plus elle est une femme aquatique. L’eau devient synonymes des larmes d’une enfant abandonnée. Elle s’est transformée en chagrin, son corps s’est liquéfié. Mitsuko, Sadako et Kayako sont à des moments associés à des monstres avec des caractéristiques animales. Personnification de la femme araignée ou de créatures aquatiques. Notamment Mitsuko qui est proche du têtard Sadako et Kayako, qui se caractérisent par des mouvements désarticulées, ont la capacité de se mouvoir et se déplacer sur des écrans et des espaces improbables. Présentes dans les miroirs, les appareils d’enregistrements et électroniques. Elles défigurent les visages à l’écran marquant ainsi la malédiction qui pèse sur la victime. Kayako déforme le visage d’une journaliste à la télévision, s’infiltre dans les caméras de surveillances, les photocopieuses, les appareils photos. Sadako et Kayako ont la capacité d’imprimer non seulement la malédiction sur le corps des victimes mais de les modeler à leurs images. La malédiction de Sadako est transmise par le visionnage du film maudit. Chez Kayako il suffit de pénétrer dans la maison hanté pour sortir possédé. Les victimes des deux femmes fantômes se retrouvent avec des yeux exorbités, la bouche grande ouverte. Les déformations du visage sont dues au choc horrifique. Ce masque douloureux porte la souffrance et devient le portrait du spectre. Les cadavres adoptent des positions figés et désarticulés qu’ils ont empruntés aux esprits.


Les fantômes et démons féminins de la J horror ont eu pour sources d’inspirations tout un passé ancestral qui remonte au folklore, mythes et légendes. La place de la femme et ses représentations notamment par le confucianisme et le bouddhisme en ont fait des êtres impurs monstrueux et démoniaques. Sa figure en tant que fantôme vengeur relève de cette tradition de la femme damnée.


Victimes des hommes, leurs vengeance après la mort semble une tentative de justice et d’un possible acte de révolte mais que dans l’au delà. Bien que cette révolte est possible post mortem elle est toujours justifier par une société patriarcale et rappel à chaque homme et femme d’assumer ses devoirs et responsabilités afin de préserver l’ordre. Les changements politiques et sociales au Japon ainsi qu’une plus grande liberté de la femme a amené a repensé et a modelé la figure du fantôme. La J horreur tisse un passage entre tradition et modernité. Les femmes fantômes incarnent de nouvelles angoisses. Elles contiennent les terreurs archaïques lié à la tradition mais aussi de nouvelles tels que la terreur atomique et la confusion d’un monde moderne à l’occidental. Les films peignent un monde ou les rôles s’inversent, les genres se brouillent. La femme Fantôme est devenue un nouveaux virus qui se multiplie, « in-stopable », omniprésente, imbattable. Un monde ou les cellules familiales sont détruites, ou les femmes n’assument plus leurs rôles et les hommes sont mis à mal. Les films suggèrent une crise identitaire et une masculinité mise au péril face à ce démon féminin qui ne se rattache plus qu’aux codes ancestrale. Sadako contrairement à ses mères est une figure rebelle de son vivant ce qui l’a rendu d’autant plus dangereuse.

Démons femmes japonaises
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